lundi 22 juin 2009



Communication interculturelle et identité


"L'identité d'une personne n'est pas une juxtaposition d'appartenances autonomes, ce n'est pas un "patchwork", c'est un dessin sur une peau tendue ; qu'une seule appartenance soit touchée et c'est toute la personne qui vibre."
A. Maalouf



Comment travailler ensemble quand nous ne partageons ni la même langue, ni le même rapport au temps et à l'espace ? Comment construire ensemble quand nous n'avons pas la même expérience de la relation à l'autre et à l'entreprise ? Qu'est-ce qui peut bien rassembler et faciliter la communication quand tant semble nous éloigner ? Comment ne pas se crisper devant les différences que nous lisons parfois de façon mutuelle comme des incompétences ? Comment maintenir la cohésion et la dynamique du groupe ?

L'interculturalité est une notion relativement récente. Dans les années 80, on ne parle que "d'international". Le monde est un "village global", balbutier l'anglais semble suffire pour orchestrer les équipes. Dans les années 90, on passe du modèle de management japonais dominant (emploi à long terme, prise de décision par consensus...) au modèle américain de l'entreprise flexible. On commence dès lors à s'intéresser à la notion d'interculturalité qui, bien gérée, est une promesse de productivité accrue. Ceci explique cela.

L'interculturalité est la rencontre (et non l'empilage) au sein d'un même groupe/équipe de plusieurs cultures et donc de différentes façons de communiquer et d'interpréter les signes (mots, comportements, intonations, rictus, tenue vestimentaire...). Si, dans une culture donnée "regarder droit dans les yeux" est un signe de respect, dans une autre ce peut être une insulte. Comportement valorisé par les uns, il est condamné par les autres. Autant de malentendus à venir, d'interprétations erronées d'une attitude qui se veut compétence et qui est perçu comme arrogance. Nous détestons tous ce décalage, cette impression d'être tombé à côté, d'être finalement incompris et peut-être rejeté. La peau se tend.

C'est sans doute dans notre relation au temps et à l'espace (intime ou géographique) que s'exprime de façon évidente notre originalité et notre susceptibilité. Rien de plus désagréable que d'attendre celui avec qui on a rendez-vous "à l'heure du déjeuner". Quand il est pour vous dans la norme de se retrouver à midi, la norme de l'autre peut être 3h de l'après-midi. Mieux vaut se mettre d'accord sur un temps technique : l'heure de la montre.

L'espace est celui qui vous sépare de votre interlocuteur et c'est aussi celui que vous avez à parcourir pour rejoindre un point donné. Un anglais n'a qu'un seul contact physique avec son interlocuteur en une heure. Un latino-américain vous touchera près de 100 fois dans le même temps. Difficile de se réchauffer à ce qu'on juge "froideur" ou d'accorder sa confiance à "l'envahisseur". Le corps se raidit, le cœur se serre, la communication ne trouve pas de canal pour circuler. Imaginez à présent ce que représente "la proximité" pour un Australien comparé à la définition qu'en ferait un Portugais. Il est fort à parier que quelques centaines de kilomètres les séparent. Tous deux sont dans le vrai mais ne partage pas la même vérité.

"Travailler ensemble" c'est ce qu'une équipe doit pouvoir faire pour réussir à mener à bien son projet (c'est à dire une direction commune suffisamment forte de sens pour les uns et pour les autres). Le plus souvent, l'entreprise compte sur l'ouverture d'esprit de ses collaborateurs, sur son élégance naturelle (nous en expérimentons tous les limites). En réalité, le processus le plus courant est celui de "l'essai-erreur" ou découverte à tâtons à visée pragmatique du mode de fonctionnement de l'autre. Cela aboutit à une communication rudimentaire sans grande souplesse ni spontanéité. L'entreprise peut également choisir d'utiliser l'identité de l'entreprise (sa culture) pour aplanir les différences et proposer un socle identitaire commun. Par les temps qui courent...

Elle peut aussi miser sur la synergie et l'accompagner (coaching d'équipe) pour s'appuyer à la fois sur les similarités et les différences conçues comme une complémentarité. Chacun fait alors l'expérience de la singularité de l'autre (son expérience), de ses difficultés (quelle solution proposer), de ses compétences particulières (son savoir-faire), de ses incompétences (reconnaître ses limites) et des partages possibles (culture métier par exemple...).

Il ne s'agit pas de s'aimer mais d'éclairer les ombres que portent les limites de notre expérience, d'être capable de communiquer au plus juste de ce que nous voulons exprimer et de s'appuyer sur le groupe plutôt que de se retrancher.


Les 10 règles d'or de la communication interculturelle
(Extrait de "Manager une équipe multiculturelle" de Joseph Aoun)


1. Reformuler : ses propos et ceux des autres.
2. Ecouter d'abord : laisser le temps à l'autre de s'exprimer, faire l'effort de l'attention
3. Parler ensuite
4. Eviter tout sujet délicat (surtout politique et religieux)
5. Parler lentement et clairement
6. Considérer le point de vue de l'autre
7. Avancer une idée à la fois
8. Ne pas prétendre qu'on a compris quand on a pas compris
9. Poser des questions
10. Etre patient et rester calme.



NB : finalement, ni plus ni moins que les règles de communication usuelles mais à décliner dans toutes les langues.


Pour un moment d'humour cliquer ici





Nathalie Vogelsinger-Martinez